Depuis le 27 novembre se tient au Musée Lorrain une superbe exposition consacrée au meuble lorrain, sous toutes ses formes. De l’arbre à l’armoire, toutes les étapes sont détaillées et expliquées. Le cœur intime de la Lorraine se dévoile entre sapins, chênes et bois fruitiers.
Le meuble est indispensable à notre vie quotidienne : il nous supporte (chaise), nous repose (lit, canapé), nous aide à ranger (armoire), nous indique l’heure (horloge), nous dépanne souvent (table, dont les fonctions sont multiples). Qu’il embellisse notre intérieur ou soit simplement utilitaire, le meuble est très souvent le reflet de nos goûts, de nos envies, de notre personnalité. De nos jours, tout s’est standardisé, et on retrouve souvent les mêmes meubles ici et là. Pourtant il y a à peine un siècle, les meubles étaient avant tout l’œuvre d’artisans, qui signaient des œuvres uniques en réponse à des commandes. Chaque région, chaque « pays », chaque menuisier avaient ses spécialités, ses essences de bois, ses décors…
L’exposition est le fruit d’une collaboration entre les musées de Nancy et de Metz, qui concentrent les deux plus grosses collections de France. Elle est itinérante, et sera présentée à Metz durant l’été prochain (l’exposition sera différente, et complémentaire de celle du Musée Lorrain). A Nancy, elle se déploie sur les deux sites du Musée : le palais ducal et le couvent des Cordeliers. Ces deux espaces présentent chacun différentes étapes de la vie d’un meuble.
Les Cordeliers
L’ancien couvent des Cordeliers abrite depuis la fin des années 1980 une riche section dédiée aux Arts et Traditions Populaires. Des intérieurs lorrains sont notamment reconstitués. Tout naturellement, le rez-de-chaussée y accueille la genèse des meubles lorrains : de l’arbre aux planches et au décor. Dès le départ, un mur de tranches de bois accueille le visiteur et lui présente les différentes essences lorraines : orme, mirabellier, quetschier, noyer, sapins… un aventure visuelle et presque olfactive.
La vie des bûcherons est rude, celle des schlitteurs (la schlitte est une sorte de traîneau utilisé pour transporter le bois dans les forêts pentues) dangereuse. L’abattage demande de grands efforts, tout autant que le débitage en planches. Le flottage de ces dernières sur la Meurthe et la Moselle est un exercice aussi difficile… on est loin de se douter que la genèse d’un meuble se fait dans la douleur et dans l’effort, la peine et la sueur.
Les acteurs se succèdent. C’est maintenant aux menuisiers et aux tourneurs sur bois (les deux sont presque indissociables) d’entrer en scène. Le bois devient sciure, barreaux de chaises, copeaux, portes… les scies s’activent, les rabots s’animent, les gouges creusent. On y découvre tout le travail des ateliers, multiples et qui vont du plus modeste établi à l’installation la plus perfectionnée. Le meuble se construit en pièces détachées, comme un grand Méccano. Le choix du décor est déterminant… et, surprise, est souvent commun à la faïence. Déjà à l’époque, le souci d’une certaine harmonie semblait primer. En tout cas, les inspirations étaient au moins communes.
Le Palais Ducal
Lieu hautement symbolique de la Lorraine, c’est dans la grande Galerie des Cerfs que sont présentées les différentes pièces de mobilier. La présentation est résolument géographique et colorée. Les chaises, armoires, horloges, scribans sont présentées par pays d’origine : pays meusiens, mosellans, de la vallée de la Seille, du Saintois, Toulois, Lunévillois… On découvre petit à petit une Lorraine pleine de facettes, riche en particularités et en savoir faire. Les uns privilégient le travail de la marqueterie, les autres les bois fruitiers sombres, d’autres encore les coffres en sapin peints… La dernière salle est consacrée à l’héritage de ces traditions dans le mobilier 1900. Visiter cette exposition, c’est aussi voyager dans l’intimité des Lorrains aux siècles passés. On découvre leurs habitudes de vie, les berceaux de nos ancêtres, les somptueux coffrets de mariage en bois de Sainte-Lucie (merisier des environs de Verdun), les coffres à sel. Le meuble, surtout à cette époque, est plus qu’un meuble : c’est le témoin d’une vie, d’une famille, d’une position sociale. En observant attentivement, on découvre une foule de petits détails charmants : les initiales d’un propriétaire, une usure des poignées (car ces meubles ont souvent servi pendant plusieurs générations !), une signature « secrète » des menuisiers comme les Aubriot qui sculptaient souvent un vase d’où sortaient des roses. Pour qui sait le regarder et l’écouter, le meuble révèle ses secrets.La mise en scène choisie par le Musée Lorrain est sobre et contemporaine. Sur des fonds de murs colorés, elle fait la part belle aux (chef d’)œuvres exposés. Des silhouettes animent le tout, et jouent avec les ombres projetées par les lumières. Mais cette muséographie est aussi facétieuse et des chats, des souris apparaissent ça et là au détour du pied d’une armoire, ou près d’une chaise.
Le mobilier lorrain, après avoir fini à une certaine époque dans les flammes ou au fond de granges obscures, connait enfin une reconnaissance méritée. Cette exposition et l’important travail mené par des spécialistes (d’histoire de l’art, de géographie, de la restauration, de l’artisanat, du patrimoine) montre toute la richesse de la Lorraine. L’exposition nous rappelle que les meubles ne sont pas que des productions en série, destinés à être jetés après quelques années. Ils sont le témoin de nos joies, de nos peines, de fragments plus ou moins long d’une vie.
Un superbe catalogue accompagne l’exposition. Edité par le Musée Lorrain et Somogy, 384 p., 38 €.Informations pratiques :
L’exposition est visible jusqu’au 27 mars 2011 au Musée Lorrain à Nancy (le musée est fermé les lundis). Elle migre ensuite vers les Musées de La Cour d’Or à Metz, du 12 mai au 20 septembre 2011 (fermeture les mardis). Des journées gratuites sont prévues. Se renseigner auprès des musées.